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Ce que la nouvelle Constitution change dans la vie du citoyen lambda
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Ce que la nouvelle Constitution change dans la vie du citoyen lambda
Les citoyens sont plus impliqués dans les affaires du pays grâce à la possibilité de proposer des lois et d’avoir accès à l’information publique. Les risques d’abus de la part de l’administration et plus particulièrement ceux de la justice et de la police sont atténués.
Le citoyen devient législateur mais combien de signatures à réunir ?
Le citoyen peut être source de législation. C’est indéniablement l’un des apports majeurs de cette nouvelle Constitution pour laquelle les Marocains ont voté en masse, vendredi 1er juillet.
Le Maroc fait désormais partie des rares pays à avoir donné le droit aux citoyens de légiférer directement. L’initiative politique prévue dans les articles 14 et 15 permet aux citoyens et associations de la société civile de présenter les propositions de loi, à travers des motions ou des pétitions. Une première interrogation s’impose déjà : combien il faut réunir de signatures pour présenter une telle motion et quels sont les domaines de la loi qui ne peuvent pas être touchés ? Une loi organique viendra préciser ces détails. En attendant, «du moment que la Constitution n’a pas apporté de limitation à ce droit tout le domaine législatif devrait, théoriquement, être concerné. Sauf bien sûr dans certains cas comme la Loi de finances ou les lois organiques. Bref, c’est un champ nouveau et la pratique permettra de clarifier les choses», estime Youssef Belal, professeur de sciences politiques à l’université Mohammed V de Rabat. A titre d’exemple, en Espagne, les initiatives législatives populaires (ILP) - les pétitions sont signées par au moins 500 000 personnes - ne peuvent toucher les lois organiques, le code pénal, la loi des partis politiques, la liberté religieuse, les libertés collectives et syndicales, le code des impôts... Il va ainsi sans dire qu’au Maroc certains domaines de la loi ne peuvent être concernés.
Pointe alors une autre interrogation, et non des moindres. Y a-t-il un risque que ce droit soit détourné ? «A priori, il ne faut pas s’attendre à un foisonnement de propositions de lois émanant des citoyens», avance M. Belal. Et pour cause, «le tissu associatif n’est pas assez développé pour atteindre ce stade d’élaborer des motions de proposition de loi», affirme, pour sa part, Tarik Tlaty, professeur de sciences politiques à l’Université Hassan II de Mohammédia. Pas tout le tissu associatif. Les associations islamistes sont assez organisées et présentent une force de frappe importante en ce sens. Ce qui suppose un risque que ces dernières aient recours à cet instrument pour limiter les libertés individuelles ou tout autre droit jugé contraire à l’islam. Il n’est pas à écarter par exemple que le PJD, par crainte de commettre une infraction à la loi sur les partis en mêlant la religion à la politique, peut présenter, par le biais de sa matrice, le MUR, des propositions de loi liberticides. «Le risque existe, certes. Mais, il ne faut pas oublier qu’il existe des garde-fous pour contrer toute éventualité de ce genre. D’ailleurs, aucune loi contraire à l’esprit et aux principes clairement annoncés par la Constitution ne peut être validée par la Cour constitutionnelle», soutient M. Tlaty.
Mieux protégés contre les abus de la police et de l’appareil judiciaire, possibilité de saisir le CNDH à titre individuel
Certaines dispositions de la nouvelle Constitution pourraient déjà être concrétisées. Il en va ainsi pour tout ce qui relève des libertés individuelles, et le respect de la dignité humaine. «La nouveauté dans ce texte, explique Tarik Tlaty, c’est que toutes les mesures liées à la protection des libertés individuelles ne nécessitent pas de procédures pour leur mise en application. Elles sont donc mises en œuvre dès l’entrée en vigueur du texte de la Constitution». C’est-à-dire dès sa publication au Bulletin officiel. «Toutes les dispositions relatives aux droits politiques et civils sont immédiatement applicables. Leur mise en œuvre ne nécessite aucun effort financier», confirme Mustapha Manouzi, juriste et président du Forum vérité et justice, (FVJ). Il en va de même pour certains aspects liés à la procédure judiciaire. «Le juge n’hésitera plus à mettre en application certaines dispositions qui existaient déjà dans la loi mais que vient de renforcerleur constitutionnalité», explique
M. Manouzi. Il en sera ainsi de l’interdiction de la torture, de l’enlèvement ou de la détention arbitraire... Mais ce n’est pas tout. De par la nouvelle Constitution, le citoyen, qui jouit désormais de la présomption d’innocence pour ce qui est du volet pénal, a droit non seulement à un procès équitable, mais à un jugement rendu dans des délais raisonnables. Ceci devrait mettre fin à des procès qui prennent une éternité pour être bouclés et autant pour être exécutés. Le justiciable est, de plus, prémuni devant l’aberration de la justice. L’erreur judiciaire est constitutionnalisée et l’Etat assume toutes ses responsabilités, à commencer par la réhabilitation et l’indemnisation des victimes de l’erreur judiciaire.
Enfin, l’arbitraire sera grandement réduit. Le travail de la police judiciaire est clairement encadré et aucun citoyen ne peut être inquiété sans que le procureur du Roi n’en décide ainsi. Tout abus peut être dénoncé devant la justice administrative, les organes de l’Etat étant traités sur un pied d’égalité que le citoyen. Par ailleurs, le citoyen aura, soit à titre individuel ou collectif, la latitude de saisir le Conseil national des droits de l’homme, CNDH, organisme habilité à constater et faire réparer toute atteinte aux droits de l’homme. «Naturellement, estime le politologue Tarik Tlaty, ces dispositions vont être transposées dans les procédures judiciaires, des textes applicatifs et complémentaires de la Constitution, par le prochain Parlement dans le cadre de la réforme de la justice».
Conversations téléphoniques, correspondances, photos, SMS, emails : strictement privés sauf autorisation expresse du procureur
Outre ce volet judiciaire, ce professeur des sciences politiques estime que l’une des mesures les plus importantes apportées par la nouvelle Constitution est l’inviolabilité du domicile et de la correspondance des citoyens, sauf autorisation expresse et écrite du procureur du Roi. «La Constitution a su accompagner l’évolution technologique dans ce domaine. L’écoute téléphonique est interdite. De même pour les SMS, les photos, les mails. Tout cela relève de la vie privée dont la protection est garantie par la Constitution», explique M. Tlaty. Les victimes d’une quelconque atteinte à ce droit peuvent déposer plainte dès à présent auprès du procureur du Roi. «C’est lui le garant de la protection de ces droits stipulés dans la Constitution», ajoute-t-il. Le droit à la réunion et à la manifestation est également consacré par la Constitution. Les autorités l’ont bien assimilé, puisque des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, dimanche 3 juillet, pour contester le texte de la Constitution, voté deux jours auparavant.
Le droit au travail : oui, mais l’Etat a une obligation de moyens, pas de résultats
Et si sur le plan des droits civiques et politiques les apports du nouveau texte de la Constitution sont salués un peu partout, il n’en est pas de même pour les droits politiques et sociaux. Des militants des droits de l’homme, nostalgiques d’un Etat providence, estiment que le texte constitutionnel laisse envisager un désengagement de l’Etat dans le domaine social. Ainsi, estime l’avocat socialiste Mustapha Manouzi, «l’article 31 nécessite un débat public. La Constitution ne contraint plus l’Etat à garantir certains droits, la santé, l’éducation, le travail… Les pouvoirs publics ne peuvent le faire, d’après le nouveau texte, que selon leurs moyens. Or, l’on sait combien sont limités les moyens financiers de l’Etat». Il n’en demeure pas moins que l’accès à ces services est l’un des leviers du développement durable sur lequel a insisté le nouveau texte constitutionnel. Le débat reste néanmoins ouvert. Cela d’autant que le Maroc est signataire du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Et selon les termes de la même Constitution, les clauses de cette convention sont, par la force de la loi, opposables aux pouvoirs publics.
Une chose est sûre, ce même article 31 de la Constitution stipule, entre autres, que «l’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir du droit au travail et à l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi ou d’auto-emploi». Une ambiguïté est définitivement levée. Les diplômés en chômage ne peuvent plus réclamer leur droit constitutionnel au travail, de préférence dans la fonction publique, en manifestant à longueur de l’année devant le Parlement.
L’administration obligée de tenir compte des doléances des citoyens
Sur un autre registre, et parmi les nouvelles mesures qui peuvent trouver application immédiatement, celles relatives aux rapports des administrés face à l’administration publique. Le texte constitutionnel s’est attardé, le long de quatre articles (154 à 157), sur l’organisation du service public. L’usager s’est vu garantir un service public aux normes de qualité, de transparence et de reddition de compte. Ce qui est nouveau c’est que ces mêmes services publics sont aujourd’hui tenus d’être à l’écoute des usagers et d’assurer le suivi de leurs observations, positions et doléances. Des mécanismes devraient être mis en place dans le cadre d’une charte des services publics pour encadrer cet échange entre administrations et administrés.
Vous avez droit à l’information
Autre apport important, en ce sens, le droit d’accès à l’information (sauf celle concernant les intérêts stratégiques de l’Etat ou la défense nationale) revêt désormais un caractère constitutionnel. Les socialistes de l’USFP ont déposé, depuis janvier 2010, une proposition de loi devant le Parlement en ce sens, mais n’a jamais été programmée pour examen. L’instance nationale de probité et de lutte contre la corruption, aujourd’hui constitutionnalisée, a fait également sienne cette revendication de la légalisation et l’encadrement juridique de l’accès à l’information. Car, pour cette instance, un citoyen bien informé sur ses droits et les procédures à suivre sera peu enclin à céder à la corruption. Les usagers des services publics et les administrés en général se voient, en outre, protégés en cas d’abus. Des voies de recours sont prévues. Outre le recours devant la justice administrative, le médiateur, institution également constitutionnalisée, est là pour régler tout litige qui pourrait opposer l’administré à l’administration publique.
L’institutionnalisation du Conseil de la concurrence intervient de même, même indirectement, en faveur des citoyens. Un climat économique où règne libre concurrence, transparence et équité est à même de garantir aux consommateurs des services et des produits à meilleur marché. Autant d’apports que seule une volonté gouvernementale et un meilleur contrôle pourraient rendre effectifs et donner raison à ces 98,5% d’électeurs qui se sont rendus aux urnes le 1er juillet dernier pour dire oui à la nouvelle Constitution.
Lobbying parlementaire : Une nouvelle activité qui verra bientôt le jour
Au delà de l’initiative qui permettra aux citoyens de légiférer directement dans certains domaines, l’élargissement du champ d’action du Parlement à 60 domaines désormais couverts par la loi ouvrira la voie à la naissance d’une nouvelle pratique : le lobbying parlementaire. Certaines associations s’y sont déjà essayées, mais de manière très rudimentaire. Il faut dire aussi que dans sa configuration dans l’ancienne Constitution, les pouvoirs du Parlement étaient très limités.
Des acteurs associatifs avaient, néanmoins, l’habitude de choisir le canal partisan pour faire entendre leur voix au Parlement. Il s’agit d’associations plus ou moins proches des partis politiques. D’autres associations choisissent souvent des procédures officielles : saisie par écrit ou demande d’entretien avec des membres des groupes parlementaires pour leur exposer leur revendication. Une approche que privilégient les associations qui tiennent à marquer leurs distances avec des acteurs politiques. Entre le «relationnel» et «l’officiel», les associations arrivent de plus en plus à faire porter leurs causes devant le Parlement. Des acteurs étrangers ont tenté à maintes reprises à apporter leur savoir-faire aux ONG marocaines en la matière. C’est le cas du NDI, l’Institut national démocratique pour les affaires internationales (appendice du Parti démocrate américain), qui s’est penché sur la question il y a un peu moins de deux années. L’organisme américain a même édité un modus operandi : «Lobbying parlementaire : guide pour les ONG». Il encourage les associations à faire appel, si nécessaire, aux experts pour mieux défendre leurs dossiers. Le NDI conseille les ONG de s’adresser d’abord aux députés individuellement, ensuite aux groupes parlementaires et, en un troisième lieu, aux commissions parlementaires. Depuis, pour nos acteurs associatifs, leur démarche reste encore limitée au premier stade. Les questions orales du Parlement étant soumises à un droit de regard du gouvernement, il leur reste la procédure de «droit d’informer». Ce dernier moyen étant le plus rapide et son impact est, de loin, plus important.
2011-07-12
Tahar Abou El Farah.
Le citoyen devient législateur mais combien de signatures à réunir ?
Le citoyen peut être source de législation. C’est indéniablement l’un des apports majeurs de cette nouvelle Constitution pour laquelle les Marocains ont voté en masse, vendredi 1er juillet.
Le Maroc fait désormais partie des rares pays à avoir donné le droit aux citoyens de légiférer directement. L’initiative politique prévue dans les articles 14 et 15 permet aux citoyens et associations de la société civile de présenter les propositions de loi, à travers des motions ou des pétitions. Une première interrogation s’impose déjà : combien il faut réunir de signatures pour présenter une telle motion et quels sont les domaines de la loi qui ne peuvent pas être touchés ? Une loi organique viendra préciser ces détails. En attendant, «du moment que la Constitution n’a pas apporté de limitation à ce droit tout le domaine législatif devrait, théoriquement, être concerné. Sauf bien sûr dans certains cas comme la Loi de finances ou les lois organiques. Bref, c’est un champ nouveau et la pratique permettra de clarifier les choses», estime Youssef Belal, professeur de sciences politiques à l’université Mohammed V de Rabat. A titre d’exemple, en Espagne, les initiatives législatives populaires (ILP) - les pétitions sont signées par au moins 500 000 personnes - ne peuvent toucher les lois organiques, le code pénal, la loi des partis politiques, la liberté religieuse, les libertés collectives et syndicales, le code des impôts... Il va ainsi sans dire qu’au Maroc certains domaines de la loi ne peuvent être concernés.
Pointe alors une autre interrogation, et non des moindres. Y a-t-il un risque que ce droit soit détourné ? «A priori, il ne faut pas s’attendre à un foisonnement de propositions de lois émanant des citoyens», avance M. Belal. Et pour cause, «le tissu associatif n’est pas assez développé pour atteindre ce stade d’élaborer des motions de proposition de loi», affirme, pour sa part, Tarik Tlaty, professeur de sciences politiques à l’Université Hassan II de Mohammédia. Pas tout le tissu associatif. Les associations islamistes sont assez organisées et présentent une force de frappe importante en ce sens. Ce qui suppose un risque que ces dernières aient recours à cet instrument pour limiter les libertés individuelles ou tout autre droit jugé contraire à l’islam. Il n’est pas à écarter par exemple que le PJD, par crainte de commettre une infraction à la loi sur les partis en mêlant la religion à la politique, peut présenter, par le biais de sa matrice, le MUR, des propositions de loi liberticides. «Le risque existe, certes. Mais, il ne faut pas oublier qu’il existe des garde-fous pour contrer toute éventualité de ce genre. D’ailleurs, aucune loi contraire à l’esprit et aux principes clairement annoncés par la Constitution ne peut être validée par la Cour constitutionnelle», soutient M. Tlaty.
Mieux protégés contre les abus de la police et de l’appareil judiciaire, possibilité de saisir le CNDH à titre individuel
Certaines dispositions de la nouvelle Constitution pourraient déjà être concrétisées. Il en va ainsi pour tout ce qui relève des libertés individuelles, et le respect de la dignité humaine. «La nouveauté dans ce texte, explique Tarik Tlaty, c’est que toutes les mesures liées à la protection des libertés individuelles ne nécessitent pas de procédures pour leur mise en application. Elles sont donc mises en œuvre dès l’entrée en vigueur du texte de la Constitution». C’est-à-dire dès sa publication au Bulletin officiel. «Toutes les dispositions relatives aux droits politiques et civils sont immédiatement applicables. Leur mise en œuvre ne nécessite aucun effort financier», confirme Mustapha Manouzi, juriste et président du Forum vérité et justice, (FVJ). Il en va de même pour certains aspects liés à la procédure judiciaire. «Le juge n’hésitera plus à mettre en application certaines dispositions qui existaient déjà dans la loi mais que vient de renforcerleur constitutionnalité», explique
M. Manouzi. Il en sera ainsi de l’interdiction de la torture, de l’enlèvement ou de la détention arbitraire... Mais ce n’est pas tout. De par la nouvelle Constitution, le citoyen, qui jouit désormais de la présomption d’innocence pour ce qui est du volet pénal, a droit non seulement à un procès équitable, mais à un jugement rendu dans des délais raisonnables. Ceci devrait mettre fin à des procès qui prennent une éternité pour être bouclés et autant pour être exécutés. Le justiciable est, de plus, prémuni devant l’aberration de la justice. L’erreur judiciaire est constitutionnalisée et l’Etat assume toutes ses responsabilités, à commencer par la réhabilitation et l’indemnisation des victimes de l’erreur judiciaire.
Enfin, l’arbitraire sera grandement réduit. Le travail de la police judiciaire est clairement encadré et aucun citoyen ne peut être inquiété sans que le procureur du Roi n’en décide ainsi. Tout abus peut être dénoncé devant la justice administrative, les organes de l’Etat étant traités sur un pied d’égalité que le citoyen. Par ailleurs, le citoyen aura, soit à titre individuel ou collectif, la latitude de saisir le Conseil national des droits de l’homme, CNDH, organisme habilité à constater et faire réparer toute atteinte aux droits de l’homme. «Naturellement, estime le politologue Tarik Tlaty, ces dispositions vont être transposées dans les procédures judiciaires, des textes applicatifs et complémentaires de la Constitution, par le prochain Parlement dans le cadre de la réforme de la justice».
Conversations téléphoniques, correspondances, photos, SMS, emails : strictement privés sauf autorisation expresse du procureur
Outre ce volet judiciaire, ce professeur des sciences politiques estime que l’une des mesures les plus importantes apportées par la nouvelle Constitution est l’inviolabilité du domicile et de la correspondance des citoyens, sauf autorisation expresse et écrite du procureur du Roi. «La Constitution a su accompagner l’évolution technologique dans ce domaine. L’écoute téléphonique est interdite. De même pour les SMS, les photos, les mails. Tout cela relève de la vie privée dont la protection est garantie par la Constitution», explique M. Tlaty. Les victimes d’une quelconque atteinte à ce droit peuvent déposer plainte dès à présent auprès du procureur du Roi. «C’est lui le garant de la protection de ces droits stipulés dans la Constitution», ajoute-t-il. Le droit à la réunion et à la manifestation est également consacré par la Constitution. Les autorités l’ont bien assimilé, puisque des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, dimanche 3 juillet, pour contester le texte de la Constitution, voté deux jours auparavant.
Le droit au travail : oui, mais l’Etat a une obligation de moyens, pas de résultats
Et si sur le plan des droits civiques et politiques les apports du nouveau texte de la Constitution sont salués un peu partout, il n’en est pas de même pour les droits politiques et sociaux. Des militants des droits de l’homme, nostalgiques d’un Etat providence, estiment que le texte constitutionnel laisse envisager un désengagement de l’Etat dans le domaine social. Ainsi, estime l’avocat socialiste Mustapha Manouzi, «l’article 31 nécessite un débat public. La Constitution ne contraint plus l’Etat à garantir certains droits, la santé, l’éducation, le travail… Les pouvoirs publics ne peuvent le faire, d’après le nouveau texte, que selon leurs moyens. Or, l’on sait combien sont limités les moyens financiers de l’Etat». Il n’en demeure pas moins que l’accès à ces services est l’un des leviers du développement durable sur lequel a insisté le nouveau texte constitutionnel. Le débat reste néanmoins ouvert. Cela d’autant que le Maroc est signataire du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Et selon les termes de la même Constitution, les clauses de cette convention sont, par la force de la loi, opposables aux pouvoirs publics.
Une chose est sûre, ce même article 31 de la Constitution stipule, entre autres, que «l’Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l’égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir du droit au travail et à l’appui des pouvoirs publics en matière de recherche d’emploi ou d’auto-emploi». Une ambiguïté est définitivement levée. Les diplômés en chômage ne peuvent plus réclamer leur droit constitutionnel au travail, de préférence dans la fonction publique, en manifestant à longueur de l’année devant le Parlement.
L’administration obligée de tenir compte des doléances des citoyens
Sur un autre registre, et parmi les nouvelles mesures qui peuvent trouver application immédiatement, celles relatives aux rapports des administrés face à l’administration publique. Le texte constitutionnel s’est attardé, le long de quatre articles (154 à 157), sur l’organisation du service public. L’usager s’est vu garantir un service public aux normes de qualité, de transparence et de reddition de compte. Ce qui est nouveau c’est que ces mêmes services publics sont aujourd’hui tenus d’être à l’écoute des usagers et d’assurer le suivi de leurs observations, positions et doléances. Des mécanismes devraient être mis en place dans le cadre d’une charte des services publics pour encadrer cet échange entre administrations et administrés.
Vous avez droit à l’information
Autre apport important, en ce sens, le droit d’accès à l’information (sauf celle concernant les intérêts stratégiques de l’Etat ou la défense nationale) revêt désormais un caractère constitutionnel. Les socialistes de l’USFP ont déposé, depuis janvier 2010, une proposition de loi devant le Parlement en ce sens, mais n’a jamais été programmée pour examen. L’instance nationale de probité et de lutte contre la corruption, aujourd’hui constitutionnalisée, a fait également sienne cette revendication de la légalisation et l’encadrement juridique de l’accès à l’information. Car, pour cette instance, un citoyen bien informé sur ses droits et les procédures à suivre sera peu enclin à céder à la corruption. Les usagers des services publics et les administrés en général se voient, en outre, protégés en cas d’abus. Des voies de recours sont prévues. Outre le recours devant la justice administrative, le médiateur, institution également constitutionnalisée, est là pour régler tout litige qui pourrait opposer l’administré à l’administration publique.
L’institutionnalisation du Conseil de la concurrence intervient de même, même indirectement, en faveur des citoyens. Un climat économique où règne libre concurrence, transparence et équité est à même de garantir aux consommateurs des services et des produits à meilleur marché. Autant d’apports que seule une volonté gouvernementale et un meilleur contrôle pourraient rendre effectifs et donner raison à ces 98,5% d’électeurs qui se sont rendus aux urnes le 1er juillet dernier pour dire oui à la nouvelle Constitution.
Lobbying parlementaire : Une nouvelle activité qui verra bientôt le jour
Au delà de l’initiative qui permettra aux citoyens de légiférer directement dans certains domaines, l’élargissement du champ d’action du Parlement à 60 domaines désormais couverts par la loi ouvrira la voie à la naissance d’une nouvelle pratique : le lobbying parlementaire. Certaines associations s’y sont déjà essayées, mais de manière très rudimentaire. Il faut dire aussi que dans sa configuration dans l’ancienne Constitution, les pouvoirs du Parlement étaient très limités.
Des acteurs associatifs avaient, néanmoins, l’habitude de choisir le canal partisan pour faire entendre leur voix au Parlement. Il s’agit d’associations plus ou moins proches des partis politiques. D’autres associations choisissent souvent des procédures officielles : saisie par écrit ou demande d’entretien avec des membres des groupes parlementaires pour leur exposer leur revendication. Une approche que privilégient les associations qui tiennent à marquer leurs distances avec des acteurs politiques. Entre le «relationnel» et «l’officiel», les associations arrivent de plus en plus à faire porter leurs causes devant le Parlement. Des acteurs étrangers ont tenté à maintes reprises à apporter leur savoir-faire aux ONG marocaines en la matière. C’est le cas du NDI, l’Institut national démocratique pour les affaires internationales (appendice du Parti démocrate américain), qui s’est penché sur la question il y a un peu moins de deux années. L’organisme américain a même édité un modus operandi : «Lobbying parlementaire : guide pour les ONG». Il encourage les associations à faire appel, si nécessaire, aux experts pour mieux défendre leurs dossiers. Le NDI conseille les ONG de s’adresser d’abord aux députés individuellement, ensuite aux groupes parlementaires et, en un troisième lieu, aux commissions parlementaires. Depuis, pour nos acteurs associatifs, leur démarche reste encore limitée au premier stade. Les questions orales du Parlement étant soumises à un droit de regard du gouvernement, il leur reste la procédure de «droit d’informer». Ce dernier moyen étant le plus rapide et son impact est, de loin, plus important.
2011-07-12
Tahar Abou El Farah.
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