Hausse du Smig: Enfin une facture officielle!

- 116.000 emplois en danger dans le privé d’ici 2015
- Ralentissement de la croissance de l’investissement et du PIB

Faut-il améliorer le pouvoir d’achat où sauver les équilibres macro-économiques? Face à ce choix cornélien, le gouvernement ne s’est pas attardé sur les impacts puisqu’il a opté pour une augmentation des salaires dans la fonction publique et du smig/smag. D’ailleurs, le dernier round du dialogue social coûtera 8,6 milliards de DH au budget de l’Etat. La revalorisation de 600 dirhams nets par mois des fonctionnaires interviendra dès le mois de mai. Celle du smig consiste en une hausse de 15% du salaire minimum dans le secteur privé à partir de juillet. Du coup, selon les projections du HCP, le revenu des ménages va s’accroître de 1,64% en 2011 à 6% en 2015. L’effet immédiat de cette amélioration du revenu sera donc une augmentation de la consommation: de 1,01% en 2011 à 1,86% en 2015 avec un pic de 2,01% en 2013. Mais en parallèle, il faudra s’attendre à une hausse progressive de l’inflation, soit un demi-point en 2011 avant d’atteindre 3,97% en 2015. L’augmentation des prix restera, toutefois, inférieure à la hausse des revenus. Selon le HCP, le PIB croîtra à son tour, mais dès 2013, l’on assistera à un ralentissement (voir infographie). Car, à côté des effets positifs de l’amélioration du pouvoir d’achat, l’investissement connaîtra une contraction dans deux ans. Dans le secteur privé en particulier, la hausse des coûts de production réduirait les capacités d’offre des entreprises et générerait une baisse du taux de la marge bénéficiaire. L’emploi prendra également un coup avec des pertes évaluées à 15.940 postes à partir de 2013 avant d’atteindre 96.890 en 2015. Les destructions seront importantes dans le secteur privé: 1.500 postes en 2011 et 116.050 en 2015. Ces pertes seront relativement contrebalancées par les emplois qui seraient créés par les administrations publiques, soit 20.090 en 2015. Un niveau qui ne permettrait d’absorber ni le stock de chômeurs ni les nouvelles entrées sur le marché du travail. En tout cas, la pression sur le marché du travail pourrait être importante. D’ailleurs, lors de sa dernière sortie en mai pour expliquer «la situation de l’emploi et du chômage au Maroc», Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan avait affirmé que «la soutenabilité sociale du modèle pourrait être fragilisée au regard de la pression croissante sur le marché du travail d’une population formée, exigeante et en âge de travailler».



Les simulations du HCP, qui ne manqueront pas de soulever encore une fois les critiques du gouvernement, tentent d’attirer l’attention sur les risques auxquels l’économie devrait faire face. Car, si à court terme, la hausse des salaires et du pouvoir d’achat est bénéfique, il n’en reste pas moins que l’économie n’est pas créatrice d’une forte valeur ajoutée. Dans un modèle basé sur la demande finale intérieure et où la création d’emplois n’est pas forte, l’impact sur la balance commerciale risque d’être important. Surtout qu’une grande partie de la demande est satisfaite par les importations. Le HCP table d’ailleurs sur une dégradation de la balance commerciale: 0,46% cette année et 0,64% en 2015. Un pic sera enregistré en 2013 avec un creusement de 0,85%. Pour le HCP, l’augmentation du smig et smag réduirait la compétitivité des entreprises aussi bien sur le marché domestique que sur le marché extérieur. Les importations poursuivront leur trend haussier alors que les exportations vont légèrement reculer.
Quant au déficit budgétaire, il est amené à se creuser dans un premier temps: 0,32% en 2011 et 0,22% en 2012 avant de s’améliorer dès 2013.
L'économiste Édition N° 3544 du 2011/06/03
Khadija MASMOUDI