Élections législatives : les partis et les hommes

La classe politique marocaine, à travers le large éventail de plus de trente partis, semble saisie par le doute, voire l'inquiétude sur le taux de participation au scrutin du 25 novembre. Plus que le gouvernement et les autorités organisatrices, elle est interpellée par un phénomène sociologique, celui de l'incertitude qui marque désormais chaque élection. Entre samedi dernier, date du lancement de la campagne électorale et aujourd'hui, les partis se sont déployés dans une sorte de mouvement «brownien», en ordre dispersé naturellement, occupant tour à tour les écrans de télévision, les quartiers populaires des grandes villes, les grandes salles, en somme tous les espaces appropriés pour convaincre les électeurs…

La question centrale, parmi d'autres, qui se pose toutefois est de savoir si le changement souhaité concernera les élites, autrement dit les hommes et les femmes appelés à gouverner ? S'il est vrai que le Maroc a toujours été tenté par cette sempiternelle tradition du «changement dans la continuité», il n'est pas moins vrai de nos jours que la formule doit être moins inversée. Il se répand partout la réflexion désabusée que si «la Constitution a changé, rien d'autre n'a changé» ! Un vent de scepticisme étrange flotte sur les esprits, rongés par le doute, cédant à la tentation par trop facile de dénigrement. Les états-majors des partis se mobilisent, certes, pour contrecarrer une telle «dérive» psychologique.

Cependant, plus que la foi, plus que l'argument qu'ils se renouvellent et s'ouvrent, il leur faudra vaincre le doute malsain chez tous ceux qui ont pris le parti de les mettre en cause.
Quand on prend acte de l'arrivée des jeunes sur les listes électorales, quand on apprend aussi que plus de 86% des candidats se présentent et tentent leur chance pour la première fois, on est certes rassurés sur la continuité par le changement. Mais, on reste quelque peu sur notre faim. Plus que l'engagement des partis politiques à rajeunir leurs listes, à embellir leur configuration partisane, plus que leur volonté affichée à s'inscrire dans la modernité, il y a l'exigence de traduire leur promesse en réalité. Les résultats du scrutin nous en diront, en effet, long sur le changement au sein des partis.

Mais, faudrait-il encore qu'ils apprécient à sa juste valeur l'autre revendication persistante de l'opinion publique : le changement du personnel qui gouverne, celui des élus de la nation, enfin cette « nomenklatura » politique à laquelle nous avons été habitués, depuis des années, scrutin après scrutin, une échéance après l'autre, une époque après l'autre et à laquelle nous souhaitons désormais échapper. Est-il possible encore d'espérer que le Maroc du lendemain du 25 novembre puisse sortir de l'ornière dans laquelle il a été enferrée depuis trois ou quatre décennies ?

Est-il possible de croire à d'autres lendemains enchanteurs, de voir enfin de nouveaux visages, de jeunes dirigeants dont la combativité ne le cède en rien à celle de leurs aînés politiques et la compétence ne leur fait nul défaut ? Il est du ressort des partis de nous rassurer, de leur devoir de s'inscrire dans la dynamique du changement avec conviction et volontarisme.



Par LE MATIN
Publié le : 15.11.2011 | 17h52