Référendum, vérités et mensonges Le mensonge est parfois nécessaire

Il n’y a aucun doute que la majorité écrasante des Marocains adhère à la réforme constitutionnelle soit par conviction intellectuelle, soit par écoute de l’autorité. Les taux annoncés sont probablement réels: 60 à 70% de la population se trouve soit dans des zones rurales, soit dans des quartiers populaires en zone urbaine. Ces électeurs ont reçu en général une aide logistique afin de se rendre aux bureaux de vote. 90% d’entre eux ont certainement voté, ce qui correspond déjà à un taux de participation de l’ordre de 60%. Il suffit de seulement 30% des autres électeurs venant des zones urbaines de niveau économique supérieur pour dépasser les 70% de taux de participation.

Quelque soit le taux de “oui”, personne ne s’attendait à un rejet de la réforme constitutionnelle. Les partisans du “non”, malgré 4 mois de manifestations continues, n’ont jamais pu mobiliser plus que 30 à 50.000 personnes dans tout le pays. On peut donc facilement imaginer que la grande majorité des votants ont dit “oui”.

Le problème aujourd’hui c’est qu’on aura du mal à convaincre l'opinion nationale et internationale que les 98% de “oui” correspondent à l'exacte vérité. Pour être plus crédible, une participation de 50% était suffisante avec un taux de “oui” de 70%.... On avait tout entre nos mains pour obtenir ce résultat. Premièrement il n’y avait que 231 observateurs qui ont visité 782 bureaux sur les 40.000. Dans les autres, on aurait pu diminuer le nombre de bulletins et augmenter les “non” en toute liberté, d’autant plus qu’il n’était pas demandé aux votants de signer la feuille de présence. Deuxièmement on aurait pu ne pas transporter tous les inscrits dans les zones rurales et suburbaines.

Pour une fois nous aurions tous été d’accord pour retoucher les résultats! On risque de regretter l’école de Basri... Mais en sens inverse. Espérons que l’opinion internationale oubliera rapidement le 98% qu’on leur sert bien malgré nous.

Toujours est-il qu’il faut se réjouir du vote de ce texte chargé de bonnes intentions. Sa transformation en une réalité démocratique est une question de temps et de compétence de la classe politique et de la société civile. Déjà il faudra que tous, nous respections les minorités éternellement insatisfaites. Ils sont là pour nous rappeler qu’on peut avoir encore plus de démocratie. Sans contradiction, notre histoire ne peut pas connaître de mouvement. C’est ce qu’on appelle la loi de la dialectique.

Il faut aussi redescendre sur terre et s’occuper du pays qui se trouve face à des réalités que ce scrutin ne peut résoudre. À la fin des années 90 notre taux d’endettement représentait 111% de notre PIB. Pour mémoire la Grèce vit l’enfer avec un taux de 125%, et l’Espagne a d’énormes difficultés avec un taux de 64%. De même la France éprouve des difficultés avec un taux de 83%. En vendant les bijoux de l’État et en s’engageant résolument depuis 2004 dans des politiques de relance des investissements très volontaristes, notre taux d’endettement est aujourd’hui de 72%. Oui mais on n’a plus grand-chose à vendre. Il faudra créer de la richesse sans augmenter l'inflation.

Nos universités accueillent aujourd’hui 350.000 étudiants. La Tunisie en a autant avec trois fois moins d’habitants. Notre enseignement supérieur forme 40.000 diplômés alors que plus 100.000 étudiants s’ajoutent chaque année. Bientôt nous aurons 650.000 étudiants et peut être 100.000 diplômés par an. Il faudra trouver des emplois pour tout ce monde. Actuellement 18% des diplômés sont au chômage. Il est fort à parier qu’ils seront 40% dès qu’on aura atteint le même niveau de formation que la Tunisie qui maintenant connaît ce taux de chômage.

Les prochains partis au pouvoir vont devoir recruter de très hautes compétences pour gérer la situation et prendre des dispositions qui ne seront pas nécessairement populaires. On peut parier qu'à ce moment là les “indignés” rejoindront les “20févrieristes” actuels.
Dernière mise à jour : 03/07/2011 à 10:27
Abdelhaq Sedrati