Agrégation/céréales: Une première exception dans la Chaouia

- Les rendements explosent chez le seul agrégateur de la filière
- Avec la garantie d’écoulement des récolte
- Un investissement de 10 millions de DH sur 4.000 ha


Un temps chaud et sec régnait ce mercredi 15 juin sur la région de Chaouia-Ouardigha. Des températures idéales qui devraient accélérer les moissons, légèrement en retard à cause des dernières précipitations qui se sont abattues sur plusieurs zones. A perte de vue sur la route reliant Berrechid à Settat, des champs de blé étaient à peine entamés par les moissonneuses batteuses. Alors que sur d’autres, complètement moissonnés, les bottes de foins jonchaient partout les champs.
Bien qu’il était encore tôt, la campagne grouillait et le silence coutumier qui lui est propre était rompu par le bruit des engins de moisson et de ramassage des grains et de paille. Les camions transportant les blés sillonnaient aussi les voies, souvent des pistes, menant vers les centres de collecte. En somme, l’atmosphère porte à croire qu’il s’agissait d’une course contre la montre. Tout le monde s’activait pour ramasser sa récolte au plus vite tout en scrutant le ciel. Car la pluie est l’ennemi numéro un en cette période. D’autant plus que nombreux les agriculteurs qui ont démarré tôt les moissons et se sont retrouvés avec des taux de germination des grains fort élevés. Néanmoins, la plupart d’entre eux font preuve d’un optimisme à toute épreuve. En cause, les bons rendements réalisés. «J’ai pratiquement doublé ma production durant cette campagne», avoue Saïd Baggar, qui exploite 50 hectares entièrement dédiés à la culture du blé tendre. Pour cet agriculteur, agrégé dans le cadre du «Projet Tanmia Filahiya», le rendement moyen réalisé lors de cette campagne varie entre 60 et 65 quintaux à l’hectare, contre 35 à 40 quintaux l’année passée (voir encadré).
Le secret? Il tient, selon Baggar, à l’encadrement assuré par les techniciens de l’agrégateur. Car, avant d’intégrer ce projet, sa récolte ne dépassait guère les 25 quintaux à l’hectare. Encadrement jumelé bien évidemment au financement des intrants servis par l’agréagateur. «C’est capital dans la mesure où les coûts de production s’élèvent à 5.000 DH/ha», fait remarquer cet autre agrégé. Montant qui s’élève à 6.000 DH/ha si l’agriculteur ne dispose pas de son propre matériel de labour et de traitement contre les maladies et les mauvaises herbes. A lui seul, le coût des intrants (semences sélectionnées, engrais et produits phytosanitaires) représente 80% du total. Le reste résulte pour l’essentiel de la main-d’œuvre et accessoirement de la location du matériel.
La région de Berrechid se distingue par la rareté de la main-d’œuvre agricole. Les agriculteurs n’y ont pas encore démarré les moissons. Explosion immobilière oblige, les ouvriers rechignent à travailler dans les campagnes, est-il indiqué. Ce qui crée une pression sur les salaires. «Il faut compter 130 et 150 DH la journée de travail», est-il précisé. «Même les petits maraîchers équipés en matériel de micro-irrigation doivent payer ce prix rien que pour la surveillance du système», relève un technicien agricole.
La diversification des cultures commence, en effet, à prendre place dans la région. Cette dernière bénéficie de la proximité des grands centres de consommation des fruits et légumes (Casablanca, Marrakech et Rabat) ainsi que des principaux marchés des intrants. Mais la région de Chaouia-Ouardigha demeure avant tout celle de la céréaliculture. La superficie agricole utile (SAU) est de 933.000 ha, soit près de 56,5% de la superficie totale de la région et 10,7% de la SAU nationale. L’essentiel de ces terres relève du statut de la propriété privée, soit 81% de la SAU régionale. L’agriculture au niveau de la région emploie 47% de la population active et contribue à raison de 16% de la production nationale céréalière
Cependant, la structure foncière se caractérise par l’exiguïté et le morcellement des exploitations. En effet, 54,4% des exploitations ont une superficie inférieure à 5 ha. Une exploitation compte en moyenne 5 parcelles. Sans oublier que l’irrigation n’occupe que 3% de la SAU alors que la nappe phréatique a déjà atteint une cote alarmante suite à la surexploitation dont elle fait l’objet. La prédominance de la céréaliculture trouve donc son explication dans le climat semi-aride qui caractérise la région. Cette année, la pluviométrie à la fois abondante et bien répartie dans le temps a beaucoup profité à la production céréalière. Au total, la superficie emblavée en céréales a atteint près de 700.000 ha en augmentation de 6% par rapport à la campagne précédente. Elle est dominée par le blé tendre et l’orge qui ont occupé respectivement 267.970 et 263.710 ha, alors que le blé dur n’a été pratiqué que sur 161.260 ha.
Globalement, les rendements estimés varient entre 34 à 73 quintaux/ha. Seulement, la qualité des grains, notamment du blé tendre, a été plus ou moins altérée selon les zones. En raison, justement, des pluies orageuses qu’a connues la région durant le mois de mai. «Ce qui fait dire à un minotier que la part relativement importante de la récolte est valable pour la provende. A noter, toutefois, que les meilleurs rendements ont été réalisés par les agriculteurs agrégés dans le cadre du projet Tanmia Filahiya contre une moyenne de l’ordre de 50 à 55 quintaux à l’hectare avec des pics dépassant les 70 quintaux dans la filière. Dans la commune Lambarkienne, un agriculteur a battu le record de 73,2 quintaux/ ha alors qu’un autre s’en est sensiblement rapproché avec 72,8 quintaux dans la même zone. «C’est dire que les agriculteurs qui utilisent à bon escient les engrais et les produits de traitement récoltent les fruits de leur labeur», observe un technicien du Groupement d’intérêt économique qui pilote le projet Tanmia Filahia. Car les agrégés qui procèdent à la revente des intrants servis par l’agrégateur ne manquent non plus et nombreux sont ceux qui ont été identifiés avant même l’arrivée des récoltes à maturité. D’ailleurs, leur production, si elle n’est pas purement et simplement refusée par l’agrégateur, bénéficiera de prix largement en deçà de la moyenne. En ce qui concerne les prix payés par le groupement, ils s’élèvent à 282 DH/ql pour la qualité standard, telle que définie par le ministère de l’Agriculture. Ce prix est majoré de 5 DH par quintal pour couvrir les frais de transport.
Pour ce qui est du blé germé, il se situe à 260 DH/ quintal auxquels s’ajoute aussi le coût du transport. Mais fait marquant cette année, le taux de germination a atteint des records. Durant la journée du mardi 14 juin, sur les 32 échantillons analysés par les Moulins de Berrechid (unité appartenant aux Moulins du Marghreb, partenaire du projet), seuls 11 ont été acceptés. Le reste sera recyclé dans d’autres utilisations. Le lendemain, la même proportion, soit deux tiers des échantillons, a été refusée. Pourtant, la tutelle estime le phénomène de germination des grains à quelque 5% au niveau national. Il n’empêche que le ministère a tout récemment procédé à la modification de la circulaire relative à la commercialisation des céréales.


Tanmia Filahiya est un projet lancé par un groupement d’intérêt constitué par le groupe Charaf-Fertima et Les Moulins du Maghreb. C’est le seul agrégateur actif jusqu’à présent dans le domaine des céréales. Le projet a démarré il y a deux ans dans la région de Chaouia/Ouardigha avec une superficie de 1.000 ha. Cette année, il a été étendu à la région du Grand Casablanca. Dans la région de Chaouia-Ouardigha, la superficie agrégée a atteint 4.000 ha environ. Avec à la clé 200 agriculteurs agrégés. Niveau qui reste, toutefois, en deçà des objectifs de la convention d’agrégation qui cible à terme 10.000 ha/an. Selon les promoteurs du projet, le rythme assez lent des réalisations tient surtout au désistement de l’accompagnement du système bancaire. Cette année, le groupement a compté sur ses propres moyens en investissant 10 millions de DH. Pari réussi, compte tenu des rendements réalisés. Les résultats auraient été nettement meilleurs si le ciel s’était révélé plus clément. La moyenne des surfaces par agrégé s’établit à 20 ha avec un rendement moyen de 50 quintaux/ ha et la production globale devrait atteindre 200.000 quintaux.
De manière générale, l’itinéraire technique mentionné dans la convention a été respecté par les agrégés. L’agrégateur a quant à lui distribué 7.200 quintaux de semences, 8.000 litres de produits phytosanitaires et 1.200 tonnes d’engrais. Il a aussi contracté une prime d’assurance pour un montant global de 1 million de DH.
Édition N° 3555 du 2011/06/20
A.G