Les élections, la presse et l'éthique

La campagne électorale a démarré sur les chapeaux de roue, confortée par un texte novateur comme il n'en a jamais existé jusqu'ici : la nouvelle Constitution, annoncée par S.M. le Roi le 9 mars et plébiscitée par le peuple le 1er juillet dernier. Entre cette date et le samedi 12 novembre se sont passés quelque cent trente jours, marqués par un débat national qui a pris tour à tour des tons feutrés et houleux, sacrifiant parfois même à d'interminables conclaves entre les autorités organisatrices des élections, les partis politiques et les autres instances concernées.

Nous sommes en pleine campagne électorale, et le discours que Sa Majesté Mohammed VI a prononcé le 6 novembre, à l'occasion de l'anniversaire de la Marche Verte, est tombé à point nommé. Sans interférer dans la campagne, il a fixé les paramètres qui relèvent de l'éthique et a invité les protagonistes, toutes catégories confondues, à s'y inscrire. La presse nationale et, au-delà, pourquoi pas la presse étrangère, ont été conviées à assumer leur rôle à la fois d'organes d'information et de vecteurs de mobilisation afin d'assurer, entre autres, une transparence absolue. Le propos royal vaut à nos yeux charte déontologique, parce qu'il mesure à juste titre le poids et la responsabilité des médias, qui plus est dans des circonstances exceptionnelles. Nous vivons un tournant majeur de notre histoire politique.

Les médias sont les porteurs de ce projet qui a pour nom la démocratie. Ils constituent aussi le miroir de toute évolution future. Inscrite sur le fronton de notre métier, l'exigence professionnelle selon laquelle « la responsabilité des journalistes vis-à-vis de l'opinion prime toute autre responsabilité » n'a jamais été aussi vraie et forte qu'en cette période où le débat doit être à la fois serein et constructif ! Le journaliste, quel que soit son statut, s'exerce à dire la vérité et les faits, quand bien même cela lui en coûte. Encore faut-il que la notion de vérité, sujette à caution, ne soit pas unilatérale et dictatoriale. Le philosophe George Steiner parlait de « Vérités » au pluriel et non de « Vérité » unique. En matière de presse, nous le savons, l'objectivité en termes absolus n'existe pas, parce qu'elle obéit aux états d'âme des uns et des autres. Il existe, en revanche, l'effort d'honnêteté intellectuelle qui prime et qui est le principe cardinal de l'activité de tout journaliste digne de ce nom.

Nous vivons, en effet, des temps où la presse et les médias n'inspirent pas ou plus la confiance et l'adhésion. Un doute s'instille et s'installe dans les esprits pour ne pas mettre en garde contre les dérapages et les graves dérives. La nouvelle Constitution garantit la liberté de la presse et d'expression. Celle-ci devrait être consciente que les enjeux nationaux, comme le scrutin du 25 novembre, exigent un traitement scrupuleux et responsable, parce qu'ils incarnent le visage nouveau et les ambitions démocratiques du Maroc moderne. Les médias sont conviés, de ce fait, à assumer leur responsabilité dans le cadre de la Loi fondamentale. Ils doivent sensibiliser l'opinion publique sur l'importance et la nécessité de sa participation active et massive au vote. Cette action se fonde sur une irréductible impartialité, l'honnêteté et l'éthique qui sont au métier de la presse ce que la valeur sacrée est aux choses. Dans le cadre de la couverture des événements exceptionnels que nous vivons à présent, la presse a un rôle significatif à jouer pour mobiliser les citoyens et leur expliquer le devoir et l'impératif de leur participation au processus électoral. L'adage dit : « Si vous ne vous intéressez pas à la politique, la politique s'intéresse à vous !» Elle requiert en effet la présence et l'engagement de chacun de nous dans le choix de nos représentants et de l'avenir politique de notre pays. Un tel élément, qui a valeur d'impératif catégorique, doit rester constamment présent dans nos esprits. Car, au-delà de la déontologie professionnelle qui, faute de code, est aujourd'hui un contrat moral avec le public, il y a la notion–fondamentalement patriotique–de participation citoyenne. Elle nécessite d'être mise en exergue et de s'inscrire comme le blason privilégié de la presse.

Elle doit également l'emporter sur tout calcul politicien et s'ériger comme un principe irréductible contre toute pensée étroite, les dérapages éventuels et les tractations sordides, financières ou autres. Or, en l'absence regrettable du Code de la presse et de l'instance de régulation annoncée pour la presse écrite, la loi encore en vigueur doit être impérativement respectée, car elle est la seule capable de nous épargner les excès et toutes les dérives auxquelles, hélas !, une certaine presse s'est bon an mal an complu à privilégier.



Par LE MATIN
Publié le : 13.11.2011 | 14h49