Aïd Al Adha: Gras le mouton, salée la facture

-L’offre dominée par un cheptel d’un an et plus
-La moyenne du poids des animaux vivants entre 60 et 75 kg
-6 millions de têtes pour une demande de 5,1 millions


Tous les indicateurs augurent d’une offre pléthorique du cheptel destiné au sacrifice. Selon les données du ministère de l’Agriculture, l’offre disponible s’élève à 6 millions de têtes dont 4,4 millions d’ovins mâles et 1,6 million d’agnelles et de caprins. Or, la demande ne dépasse généralement pas les 5,1 millions de têtes. Elle s’inscrit même en baisse depuis quelques années. Autre temps autre mœurs, de nombreux couples, surtout parmi les jeunes, préfèrent la célébration de la fête dans des lieux de loisirs. En témoignent, d’ailleurs, les promotions proposées par plusieurs hôteliers des villes touristiques. Dans ces lieux, on n’hésite pas aussi à privilégier l’abattage des caprins jugés moins risqués en termes de cholestérol. Toutefois, le rite reste particulièrement enraciné dans les campagnes, voire dans de nombreuses villes ruralisées par l’exode.
Quoi qu’il en soit, l’abattage reste concentré à raison de 80% sur les mâles. Ce qui est largement couvert cette année: 4,4 millions de têtes. Cheptel qui a aussi bénéficié de la disponibilité des parcours et fourrages. Le Maroc a enregistré en effet, pour la troisième année consécutive, une pluviométrie généreuse sanctionnée par de bonnes campagnes agricoles. «La dernière a été marquée par un taux de naissance qui a atteint 90% contre une moyenne de l’ordre de 75% », selon les données de la tutelle. Et le taux de mortalité n’a pas dépassé 5%, d’après la même source. Par ailleurs, l’état sanitaire du cheptel est jugé satisfaisant dans l’ensemble des régions. La tutelle assure que des programmes de surveillance et des campagnes prophylactiques ont été menés par les services vétérinaires de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires.
Mais la grande inconnue a trait aux prix. Pour le moment, les prix des animaux vifs et des viandes sont relativement chers. Ils ont enregistré une hausse de 9% par rapport à 2010 sous l’effet de la flambée de l’alimentation de bétail. Les professionnels situent l’augmentation du maïs et autres matières premières d’importation entre 15 et 34%. Ce qui est possible. On se souvient, en effet, de la crise de déchargement des céréales, notamment le maïs, qu’a vécue le port de Casablanca durant le mois de juin dernier. Résultat, les importateurs ont dû débourser d’importants montants au titre de surestaries. Ce qui a été bien évidemment répercuté sur les prix des aliments de bétail. Or, c’est connu, le cheptel destiné à l’abattage est préparé dans des ateliers d’engraissement dont la majorité se trouve aux environs de grandes villes comme Casablanca, Rabat, Fès, Meknès et Kénitra. Cette profession, à dominante citadine, procède à l’achat des animaux auprès de petits éleveurs cinq à six mois avant l’avènement de l’Aïd Al Adha. C’est cette catégorie d’éleveurs intermédiaires qui, moyens de communication aidant, fait les prix du marché. Et c’est elle qui doit accaparer l’essentiel des 7,8 milliards de DH que constitue cette année le chiffre d’affaires estimé par la tutelle.
Mais pour ce qui des élevages issus des parcours, les prix restent soumis à la loi de l’offre et de la demande et varient selon la qualité, la race et l’âge des animaux. Ils fluctuent aussi en fonction du lieu de vente et de la date qui nous sépare du jour de l’Aïd. Sauf que cette année, le mouton s’annonce assez gras. L’essentiel de l’offre provient, en effet, de la période du grand agnelage qui coïncide avec le mois de novembre. En clair, les moutons qui sont mis à la vente sont âgés d’un an et plus. «Le poids se situe en moyenne aux alentours de 60 à 75 kg», pronostique un professionnel. Sans oublier l’important report d’ovins mâles non commercialisés lors de l’Aïd précédent. Il s'élève à 1,2 million de têtes. Autre facteur de renchérissement des prix, le stock constitué par certains candidats aux législatives. Aux dires de certains éleveurs, d’importantes commandes ont déjà été passées pour les besoins des festins organisés à pareille occasion. C’est dire que la facture sera salée pour les ménages modestes. La tutelle promet, toutefois, de mettre en place un système de suivi des prix et de l’approvisionnement du marché. Mais quel crédit accorder à cette promesse alors le système annoncé en grande pompe le 29 septembre dernier est en panne?


A. G.
Édition N° 3645 du 2011/10/26