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« Il n’y aura jamais une totale indépendance»
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« Il n’y aura jamais une totale indépendance»
Abdelali Benamour avoue tout. Le Conseil de la concurrence est dans une situation de conflit d’intérêts avec d’autres autorités sectorielles. Cela pourrait paralyser la bonne marche du régulateur, fraîchement constitutionnalisé.
Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence, lors de la conférence tenue jeudi à Casablanca. Photo Yassine TOUMI
Le Conseil de la concurrence a décroché sa carte constitutionnelle, avec l’espoir de devenir dans l’immédiat totalement autonome vis-à-vis des autres pouvoirs. Reste à connaître le sort qui sera réservé aux avis émis par l’autorité de régulation : entre 2009 et 2010 le nombre d’avis et de saisines sur lesquels s’est prononcé le Conseil s’est largement amélioré pour atteindre les dix (2 en 2009 et 8 en 2010). Dans la langue des chiffres, on pourrait parler de performance. Mais ce qui importe le plus, ce sont plutôt les suites données à ces avis qui demeurent pour le moment à caractère consultatif.
Interrogé sur la question, Abdelali Benamour, président du Conseil, écarte toute forme de responsabilité, préférant laisser entendre que cela ne relève nullement de ses compétences, étriquées jusqu’alors. Cette réponse, Benamour l’a formulée à l’occasion d’une rencontre organisée jeudi dernier à Casablanca par la chambre Française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) sur le thème: «L’entreprise et la réforme du Conseil de la concurrence ».
Ce qui importe le plus, ce sont les suites données aux avis du Conseil qui demeurent pour le moment à caractère consultatif.
Ce cas de figure rejoint dans une large mesure celui de la Cour des comptes dont les jugements restent pour l’instant lettre morte. Il semble donc qu’il y ait des lobbies qui s’opposent farouchement à toute réforme touchant au libre jeu de la concurrence et à une meilleure gestion des deniers publics. Benamour n’a pas hésité un instant pour qualifier ce courant anti-réformiste de « brebis galeuses ». Celles-ci garderaient toujours à l’esprit une nostalgie pour la période d’avant le discours du 9 mars et ne sont même pas conscientes qu’elles opèrent dans le cadre d’un système économique constitutionnalisé dit «économie de marché». Un système qui attribue au marché le rôle d’équilibriste sans pour autant négliger celui de l’État.
Gap astronomique
Benamour fait remarquer qu’à travers les différentes expériences vécues, il s’est avéré que bon nombre d’opérateurs économiques ne sont même pas conscients qu’ils vivent dans une économie de marché. Et c’est là que le bât blesse : un grand gap sépare les textes ou encore les annonces de figuration et la réalité vécue. Cet écart astronomique renseigne sur les menaces qui guettent l’indépendance de la future « autorité de concurrence », puisque au jour d’aujourd’hui ce concept ne prend en encore tout son sens. Mais, déjà les prémices de telles menaces sont là et ce n’est pas Benamour qui dirait le contraire : « Il n’ y aura jamais d’indépendance totale », tranche-t-il. La consécration du Conseil de la concurrence a pour objectif de rompre avec « le fonctionnement spontané », observé jusque là. D’autant plus que la marge de manœuvre dont dispose ce dernier n’est pas sans remettre en cause son statut « autonome », et de là, la transparence et la crédibilité de ses décisions.
Conflit de compétences
Le grand défi auquel fait face aujourd’hui Benamour est de définir les bases d’une collaboration efficace entre son équipe et les autres autorités sectorielles (ANP, ANRT, BAM, HACA, CDVM…). L’harmonisation des textes législatifs traitant des contrôles sectoriels n’est pas en reste. Il faut dire que la multiplicité des régulateurs sectoriels n’est pas une caractéristique propre à l’arsenal juridique marocain. Cette pluralité existe et existait déjà sous d’autres cieux, à l’exemple de la Grande-Bretagne. Benamour explique que, dans ce pays, la responsabilité d’émettre un avis ou une décision incombe conjointement aux régulateurs sectoriels et à l’autorité centrale, bien que le dernier mot revienne à cette dernière. Le président du Conseil de la Concurrence précise en outre que si ce pays peut se le permettre, chez nous, la donne est différente : « Cela risque même d’être mauvais », prévient-t-il, avant d’attirer l’attention de l’audience sur les liens étroits entre un secteur donné et son autorité régulatrice. Ses derniers pourraient aboutir en définitive aux « effets capture qu’il faut éliminer ».◆
Mohamed Mounjid
Publié le : 17 octobre 2011
Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence, lors de la conférence tenue jeudi à Casablanca. Photo Yassine TOUMI
Le Conseil de la concurrence a décroché sa carte constitutionnelle, avec l’espoir de devenir dans l’immédiat totalement autonome vis-à-vis des autres pouvoirs. Reste à connaître le sort qui sera réservé aux avis émis par l’autorité de régulation : entre 2009 et 2010 le nombre d’avis et de saisines sur lesquels s’est prononcé le Conseil s’est largement amélioré pour atteindre les dix (2 en 2009 et 8 en 2010). Dans la langue des chiffres, on pourrait parler de performance. Mais ce qui importe le plus, ce sont plutôt les suites données à ces avis qui demeurent pour le moment à caractère consultatif.
Interrogé sur la question, Abdelali Benamour, président du Conseil, écarte toute forme de responsabilité, préférant laisser entendre que cela ne relève nullement de ses compétences, étriquées jusqu’alors. Cette réponse, Benamour l’a formulée à l’occasion d’une rencontre organisée jeudi dernier à Casablanca par la chambre Française de commerce et d’industrie du Maroc (CFCIM) sur le thème: «L’entreprise et la réforme du Conseil de la concurrence ».
Ce qui importe le plus, ce sont les suites données aux avis du Conseil qui demeurent pour le moment à caractère consultatif.
Ce cas de figure rejoint dans une large mesure celui de la Cour des comptes dont les jugements restent pour l’instant lettre morte. Il semble donc qu’il y ait des lobbies qui s’opposent farouchement à toute réforme touchant au libre jeu de la concurrence et à une meilleure gestion des deniers publics. Benamour n’a pas hésité un instant pour qualifier ce courant anti-réformiste de « brebis galeuses ». Celles-ci garderaient toujours à l’esprit une nostalgie pour la période d’avant le discours du 9 mars et ne sont même pas conscientes qu’elles opèrent dans le cadre d’un système économique constitutionnalisé dit «économie de marché». Un système qui attribue au marché le rôle d’équilibriste sans pour autant négliger celui de l’État.
Gap astronomique
Benamour fait remarquer qu’à travers les différentes expériences vécues, il s’est avéré que bon nombre d’opérateurs économiques ne sont même pas conscients qu’ils vivent dans une économie de marché. Et c’est là que le bât blesse : un grand gap sépare les textes ou encore les annonces de figuration et la réalité vécue. Cet écart astronomique renseigne sur les menaces qui guettent l’indépendance de la future « autorité de concurrence », puisque au jour d’aujourd’hui ce concept ne prend en encore tout son sens. Mais, déjà les prémices de telles menaces sont là et ce n’est pas Benamour qui dirait le contraire : « Il n’ y aura jamais d’indépendance totale », tranche-t-il. La consécration du Conseil de la concurrence a pour objectif de rompre avec « le fonctionnement spontané », observé jusque là. D’autant plus que la marge de manœuvre dont dispose ce dernier n’est pas sans remettre en cause son statut « autonome », et de là, la transparence et la crédibilité de ses décisions.
Conflit de compétences
Le grand défi auquel fait face aujourd’hui Benamour est de définir les bases d’une collaboration efficace entre son équipe et les autres autorités sectorielles (ANP, ANRT, BAM, HACA, CDVM…). L’harmonisation des textes législatifs traitant des contrôles sectoriels n’est pas en reste. Il faut dire que la multiplicité des régulateurs sectoriels n’est pas une caractéristique propre à l’arsenal juridique marocain. Cette pluralité existe et existait déjà sous d’autres cieux, à l’exemple de la Grande-Bretagne. Benamour explique que, dans ce pays, la responsabilité d’émettre un avis ou une décision incombe conjointement aux régulateurs sectoriels et à l’autorité centrale, bien que le dernier mot revienne à cette dernière. Le président du Conseil de la Concurrence précise en outre que si ce pays peut se le permettre, chez nous, la donne est différente : « Cela risque même d’être mauvais », prévient-t-il, avant d’attirer l’attention de l’audience sur les liens étroits entre un secteur donné et son autorité régulatrice. Ses derniers pourraient aboutir en définitive aux « effets capture qu’il faut éliminer ».◆
Mohamed Mounjid
Publié le : 17 octobre 2011
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