Electricité : La baisse de la tarification passe à la trappe

En dépit de sa publication au Bulletin Officiel, le décret abrogeant le dahir de 1954 relatif au prix de l’électricité, ne sera pas appliqué.
La baisse de la tarification de l’électricité prévue pour le mois de juin a ainsi été ajournée.
Cette baisse correspondait au minimum non atteint (MNA) : 1,33 million de foyers marocains allaient en bénéficier. C’est le mois de juin. Tous les consommateurs avertis s’attendent à une réduction de leurs factures d’électricité. Pourtant, la baisse tant attendue ne sera pas appliquée. En effet, selon nos sources, les différentes régies ont reçu un communiqué du ministère de l’Intérieur leur demandant de surseoir à l’application de cette baisse. Cela les aurait soulagées parce que les régies, les sociétés concessionnaires et l’Office national de l’électricité (ONE) étaient appelés à revoir leurs tarifs à la baisse. Les cahiers des charges devaient être également revus en fonction des nouvelles dispositions de la loi. Les contrats signés entre les fournisseurs d’électricité et les abonnés seraient donc devenus caducs à compter du 17 juin.
Nous avons essayé de contacter quelques intervenants du secteur afin de confirmer l’information. Sans pour autant la nier, ils prétendent ne pas être au courant. Idem pour un responsable au sein du ministère des Affaires Générales qui estime qu’il est encore très tôt afin de pouvoir se prononcer sur la question. Mais, de toute manière, les montants de nos factures sont la preuve tangible du bien-fondé de l’information.

Coup d’œil dans le rétroviseur
Il y a quelques mois, nous avions publié sur nos colonnes un article relatif à la baisse de la tarification de l’électricité qui sera appliquée au mois de juin et son éventuel impact sur les régies de distribution, essentiellement sur celles qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Nous avions par ailleurs apprécié cette baisse qui améliorerait sans aucun doute le pouvoir d’achat des citoyens (voir www.financenews.press.ma).
En effet, avec cette nouvelle loi abrogeant le dahir de 1954 relatif à la tarification électrique, adoptée par le Parlement le mercredi 22 décembre 2010 et publié au Bulletin Officiel n° 5926 du 17/03/2011, les consommateurs n’auraient payé que ce qu’ils auraient consommé. Environ 1,33 million de foyers marocains auraient pu bénéficier d’une baisse de 7 à 17% sur leurs factures d’électricité.
Les régies, par contre, allaient voir s’évaporer cette manne financière qui constitue un moyen d’équilibre financier et assure un bon rendement de l’activité d’électricité non consommée par les clients et non achetée par les producteurs.
Actuellement, à défaut d’appliquer les nouvelles dispositions de la loi, les consommateurs ont donc toujours le choix entre deux formules d’abonnement à basse tension. La première représente un forfait qui oblige les clients à payer un minimum non atteint (MNA) si leur consommation est inférieure à ce forfait en question.
La deuxième formule propose un abonnement sans forfait; toutefois, les clients sont contraints de payer une facture majorée de 20%
par rapport au prix normal de l’électricité.
Ce double régime de tarification génère ainsi une injustice pour les citoyens qui payent une énergie qu’ils n’ont pas consommée ou qui parfois sont obligés d’atteindre une consommation minimale. Pour dire que l’instauration d’une consommation minimale est contradictoire avec les dispositions de la loi relative à la liberté des prix et à la concurrence.
Aujourd’hui, en tout cas, il semble légitime de se poser plusieurs questions. Les pouvoirs publics ont-ils décidé de reporter la baisse à une date ultérieure à cause de la contrainte budgétaire qui pèse sur notre économie comme une épée de Damoclès ? Ont-ils cédé au lobbying des intervenants du secteur ? Ont-ils voulu protéger les régies publiques ? Quels recours pour les citoyens ?
Une chose est cependant sûre : cette mesure, qui a été applaudie par les acteurs économiques dans la mesure où elle semblait concrétiser une économie juste et équitable, allait mettre fin à une injustice qui a trop régné. Mais, elle aurait peut-être induit un soutien financier des pouvoirs publics pour permettre à certaines régies, déjà en difficulté, de retrouver un certain équilibre. En clair, l’intérêt des distributeurs l’a emporté sur celui des citoyens.
Soubha Es-siari
*Le 20 / 20 : Ça coûte cher à l’Etat ! Ce rebondissement vient peut-être rappeler aux pouvoirs publics la décision de 20/20. Il s’agit en fait d’un bonus accordé par l’Etat aux plus économes. Ce système de tarification a pour leitmotiv d’alléger les factures. Les délégataires n’avaient pas à rechigner à l’époque parce que la réduction de la consommation n’implique pas une baisse du chiffre d’affaires. C’est en effet l’Etat qui «récompense» les particuliers économes pour leur effort à participer à l’économie de l’énergie en remboursant l’ensemble du bonus qui leur est accordé. Selon nos sources, l’Etat casque beaucoup pour l’application de cette mesure.