Huile de table, le soufflet retombe

Finalement, ça baigne dans le secteur des huiles de table. C’est du moins ce que dévoilent les conclusions de l’étude menée par le Cabinet Mazars, pour le compte du Conseil de la concurrence. L’étude, présentée hier, s’inscrit dans le lot des analyses sectorielles commandées par Abdelali Benamour pour constituer une base d’étude du marché national. Ainsi, de concurrence déloyale dans ce secteur, il n’y a point et si entente il y a eu entre les différents opérateurs, cela n’a jamais été au détriment du consommateur final. En effet, le seul cas de concurrence déloyale retenu par le cabinet Mazars a été celui sur lequel la justice s’était prononcée en 2006, à l’encontre de Savola. Cette dernière avait à l’époque été accusée par Lesieur de pratiquer des prix de vente inférieurs à ses coûts de revient, dans le seul but de grignoter des parts de marché. Hormis cet incident qui avait fait couler beaucoup d’encre, aucun cas de vente à perte n’est aujourd’hui signalé dans ce secteur. Pour ce qui est de l’entente entre les opérateurs, même si les consultants n’ont pu déterminer si elle a eu effectivement lieu, ils soulignent qu’en 2007, l’ensemble des opérateurs s'est attelé à la baisse de leur production pour liquider leurs stocks, ce qui a considérablement dynamisé leurs résultats opérationnels. Pour le cabinet Mazars, il s’agissait là d’une mesure de prudence, face à la montée des cours des matières premières sur les marchés internationaux. L’éventuelle entente entre les opérateurs à cette période, avait ainsi pour but de préserver les intérêts des opérateurs, sans pour autant léser le consommateur, les prix de vente n’ayant pas sensiblement changé à cette époque. C’est du moins ce que conclut le rapport, dont les rédacteurs se contentent par ailleurs de souligner «l’absence des produits de Savola sur les rayons de Marjane» depuis son introduction sur le marché marocain, mais sans pour autant en faire un «abus de position dominante» de Lesieur.

Lenteur du retour sur investissement
Sur un autre registre, l’étude sur le marché de l’huile de table a permis de mettre l’accent sur la difficulté des investisseurs à se lancer dans ce secteur. Si les barrières réglementaires sont faibles, des barrières structurelles empêchent en effet tout nouvel entrant sur le marché. Et pour cause, les marges bénéficiaires dans le secteur sont estimées, par le cabinet Mazars, à 7 %. Le retour sur investissement dans cette activité, qui est par ailleurs fortement capitalistique, est décourageant. Cet avis est partagé par Samir Oudghiri Idrissi, directeur général adjoint de Lesieur... à un détail près. «La question sur l’absence de nouvel entrant dans le secteur trouve sa réponse dans le retour sur investissement qui est très lent, en raison des marges qui ne dépassent que rarement les 3%», affirme-t-il. Pour ce dernier, qui se prononçait également sous sa casquette de représentant de l’association des professionnels du secteur, une marge de 7% n’est réalisée dans le secteur que par le meilleur des opérateurs dans ses meilleurs exercices. Ce n’est pas la seule critique qui a été faite aux données retenues dans ce rapport, puisque Najib Benamor, directeur général de la Caisse de compensation et qui a été l’un des acteurs clés dans le processus de libéralisation du secteur, déplore que le rapport du cabinet Mazars retienne que les matières premières importées dans le secteur soient limités à 85%. Pour lui, ainsi que pour les représentants du ministère des Affaires économiques présents, la part de matière première destinée à l’huile de table fabriquée localement ne dépasse guère le taux de 5%. De ce fait, la sensibilité des opérateurs aux fluctuations des marchés internationaux est plus importante que ce qui a été considéré dans le rapport. D’autres données, comme celles relatives au coût de la distribution, ont également été remises en cause. Comme quoi, si cette fois-ci l’étude commanditée par le Conseil de la concurrence n’a pas soulevé la polémique autour des opérateurs, elle n’a pas manqué de créer le débat sur la pertinence des analyses commanditées par l’institution auprès d'un consultant externe.

La sécurité alimentaire, un enjeu continental
L’analyse de la configuration du secteur de l’huile de table a permis de faire ressortir certains facteurs clés de réussite sur lesquels un investisseur souhaitant s’introduire sur le marché doit capitaliser. D’abord, il y a l’approvisionnement. Les opérateurs tels que Lesieur et Savola, adossés à des groupes internationaux, jouissent d’une forte capacité de négociation de leurs achats de matières premières, ce que le cabinet Mazars estime comme un avantage déterminant.
C’est également le cas pour le réseau de distribution. En raison de la faiblesse des marges dans le secteur, la distribution se retrouve en effet un élément central pour assurer la réussite des opérateurs dans le secteur.

Par Younes A.TANTAOUI
Mercredi, 07 Mars 2012 11:10