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Taux de participation, victoire du PJD, scores de la majorité sortante… : Un scrutin en questions
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Taux de participation, victoire du PJD, scores de la majorité sortante… : Un scrutin en questions
Taux de participation, victoire du PJD, scores de la majorité sortante… Les résultats des législatives du 25 novembre posent plusieurs questions. Après le temps de la célébration de la victoire –essentiellement de la démocratie- et de la normalisation de la pratique politique, le temps est aussi à l’analyse pour tenter de comprendre ce que les Marocains qui se sont rendus aux urnes vendredi 25 novembre ont voulu signifier au personnel politique.
Le vote de vendredi et les scores électoraux qui en ont résulté interpellent. Des questions surgissent. Des pistes de réflexion s’ouvrent. Des premières réponses apparaissent.
1) L’amélioration du taux de participation signifie-t-elle que la campagne électorale a mobilisé ?
Le taux de participation a constitué la grande crainte des partis politiques, du gouvernement et de manière générale du Pouvoir. Les analyses d’ici et d’ailleurs se sont bousculées pour dire toutes les conséquences d’une abstention que beaucoup ont annoncée un peu trop vite. Entre ceux qui mettaient en garde contre une abstention qui ferait le bonheur d’islamistes piaffant d’impatience pour être aux affaires et ceux qui avertissaient qu’un refus de participer à ces législatives ferait le jeu du Pouvoir, tous tablaient sur un bis repetita des élections de 2007. Ce n’est pas exactement ce qui s’est passé. Malgré tous les mauvais oracles et les appels au boycott de ce scrutin post-adoption de la nouvelle Constitution, un peu plus de 45% des électeurs se sont rendus aux urnes. C’est bien mieux que les dernières législatives où ils n’étaient que 37% à accomplir leur devoir.
Maintenant que signifie une telle amélioration du taux de participation ? L’effet de l’adoption cinq mois plus tôt d’une nouvelle Constitution donnant plus de pouvoir au chef de gouvernement, à l’Exécutif, au Parlement, à l’opposition, etc, est à prendre en considération. Les citoyens qui ont voté ont probablement pris conscience que «bulletin de vote = changement» et que leurs voix comptaient désormais et mieux encore, allaient peser sur le politique. Ont-ils eu raison d’y croire ? C’est une autre question et l’avenir proche en donnera la réponse.
Mais il n’y a pas que l’effet Constitution qui a convaincu les électeurs à se déplacer, plus nombreux qu’en 2007. La majorité des partis qui se sont lancés dans la course électorale ont fait une révolution en interne avec, entre autres, l’accréditation de candidats nouveaux, jeunes, diplômés et la présentation de programmes chiffrés et en phase avec les réalités. La campagne électorale menée par les uns et les autres a mobilisé, en tout cas un peu moins de la moitié du corps électoral.
2) En votant PJD, le Marocain vote-t-il «islamistes» ou «changement»?
Les islamistes du Parti Justice et Développement sont les grands vainqueurs de ce scrutin. Après dépouillement des deux tiers des circonscriptions locales, le parti d’Abdelilah Benkirane a déjà remporté 80 sièges. Ce sont les résultats officiels mais partiels annoncés samedi 26 novembre en fin de matinée par Taïeb Cherkaoui, le ministre de l’Intérieur. Loin derrière et en deuxième position, on retrouve l’Istiqlal et ses 45 sièges, suivi du Rassemblement national des indépendants, 38 sièges
Question : est-ce l’islamisme qui a le vent en poupe ? L’exemple tunisien avec la victoire des islamistes du Parti «Annahada» a-t-il joué en attendant celle annoncée des Frères musulmans d’une Egypte à la veille d’élections législatives elle aussi ? Rien n’est moins sûr. Et si le Marocain avait voté PJD tout simplement parce que c’est le parti qui représente réellement l’alternative du changement parce qu’il n’a jamais été aux commandes du pouvoir ? Une thèse qu’accréditent du reste plusieurs faits. D’abord, les islamistes du Parlement ont été jusque-là (et après avoir accordé un soutien critique au gouvernement Youssoufi 1) le porte-voix de l’opposition. Mauvaise conscience du gouvernement, de la majorité et de la pratique politique, le PJD a d’ailleurs construit sa campagne sur le changement.
A cela viennent s’ajouter des appels ici et là à voter PJD au lieu de l’abstention, lancés par des figures connues et qui se situent plus dans la modernité que le conservatisme. L’homme d’affaires engagé dans la société civile Karim Tazi l’a fait, quelques jours avant l’ouverture de la campagne électorale.
Dans le même temps, si le PJD a joué à fond la carte du changement –et c’est là tout le paradoxe- il s’est placé en dehors de la dynamique du 20 février et de ses slogans de changement.
3) Y a-t-il eu un vote sanction contre la majorité sortante?
En démocratie, la question est incontournable. La majorité sortante a-t-elle été sanctionnée ou pas ? En votant «massivement» pour le PJD, les électeurs ont-ils voulu exprimer leur mécontentement aux partis au pouvoir ? Il y a à boire et à manger dans une telle hypothèse qui ne résiste pas d’ailleurs aux scores des partis de la Koutla.
Les trois partis qui composent le Bloc démocratique –l’Istiqlal, l’USFP et le PPS- ont fait un peu plus que la résistance.
D’abord l’Istiqlal. Deuxième sur le tableau des résultats, le parti fondé par Allal El Fassi démontre qu’il n’est pas seulement bien structuré et organisé mais qu’il est aussi une machine électorale bien huilée. A l’évidence, les Istiqlaliens n’ont jamais rompu le lien avec les électeurs. Il ne faut pas oublier non plus que ce parti, ses principaux dirigeants, certains de ces ministres et figures ont été conspués et pris pour cible par les manifestants du 20 février.
Ce qui n’a pas empêché l’Istiqlal d’être classé 2ème et de maintenir son score par rapport à 2007. Enfin, il convient d’ajouter que ses ministres candidats ont tous été élus ou réélus (Yasmina Baddou, Karim Ghellab). Et à Larache, le siège d’Abbas El Fassi, élu député en 2007, est resté dans la maison istiqlalienne avec l’élection d’Abdallah Bekkali.
Autre parti de la Koutla qui maintient ses positions, l’Union socialiste des forces populaires. Même si l’USFP espérait beaucoup mieux que les 28 sièges (résultats toujours partiels à l’heure de l’écriture de ces lignes), il ne faut pas perdre de vue qu’à l’occasion des législatives du 25 novembre, le Parti de la Rose a reconquis des fiefs perdus jusque-là : Rabat, Fès, Larache…Ses ministres candidats ont tous enregistré des victoires : Ameur et Chami à Fès, Lachgar à Rabat. Des caciques ittihadis se sont maintenus ou reviennent sous la Coupole : Radi, El Malki, Chbaatou, Khairat…
Enfin et toujours du côté de la Koutla, les 11 sièges (résultats toujours non définitifs) d’un PPS qui tablait sur plus, renseignent aussi sur le degré de résistance de cette formation politique qui, dans plusieurs circonscriptions, était au coude à coude avec le PJD pour le troisième siège.
L’élection de membres du gouvernement sortant et de figures connues de la Koutla montre bien qu’il n’y a pas eu de vote sanction contre l’Exécutif ou les partis du Bloc démocratique au pouvoir depuis l’avènement de l’alternance en 1998.
4) Que signifie le recul du Rassemblement national des indépendants?
Comment maintenant interpréter le recul du RNI, un parti qui avait pris, depuis plusieurs semaines, la posture du premier parti, celui qui allait forcément remporter ce scrutin ? Cette formation politique chute à la troisième place, avec 38 sièges selon des résultats toujours partiels. Dès lors, la victoire de son leader a un goût amer : Salaheddine Mezouar ne revêtira pas le costume de chef de gouvernement.
Ici, l’effet «G8» (ou alliance pour la démocratie) n’a pas à l’évidence fonctionné. Bien au contraire, il a un effet boomerang, principalement sur le Rassemblement national des indépendants qui en assurait le leadership mais aussi sur des partis qui composent cette coalition née avec les élections, comme le Parti socialiste, le Parti travailliste, etc, qui en font directement les frais.
5) Le PAM est vainqueur ou grand perdant de ce scrutin?
Contre toute attente, le Parti Authenticité et Modernité s’en tire, lui, à bon compte. Et c’est là la grande surprise de ces législatives. Le Rassemblement national des indépendants semble avoir été mis en orbite et donc en avant comme pour servir de bouclier aux Pamistes. La stratégie a fonctionné. Car si le PAM n’est pas premier et ne constituera pas le premier groupe parlementaire sous la Coupole, c’est loin d’être non plus une «bérézina» pour le parti fondé par Fouad Ali Al Himma. Sa quatrième place et 33 sièges toujours, selon des résultats provisoires, lui offrent une légitimité par les urnes dans une élection que personne ne conteste. Une victoire pour le PAM qui se situe en bonne place sur le tableau des résultats au moment même où ses ennemis jurés du PJD remportent les élections du 25 novembre.
6) La rationalisation du champ politique est-elle en marche?
Le score réalisé par les «petits» partis satisfait et gêne à la fois. Si des partis disparaissent définitivement du Parlement (13 sur les 31 qui étaient en lice), on se demande par contre de quel apport seront ces partis qui continuent d’être représentés par un ou deux députés sous la Coupole. La balkanisation et l’éparpillement continuent d’être un signe distinctif de la vie politique et la pratique électorale en terre marocaine. Une réflexion sur les lois électorales (mode de scrutin, seuil…) doit sérieusement être menée pour peu que l’on veuille donner du sens et de la cohérence au paysage politique.
7) Les futures alliances vont-elles contribuer à la clarification du jeu politique ?
Vainqueur des élections, le PJD a la main tenue vers la Koutla mais n’exclut aucun autre parti hormis le PAM, seule ligne rouge pour les islamistes. Démocratie, bonne gouvernance et poursuite des grands chantiers : c’est sous ce dénominateur que la famille politique d’Abdelilah Benkirane fera ses alliances pour construire sa majorité. Peut-on imaginer les premiers contours d’un pôle libéralo-conservateur où le PJD s’entourerait de l’Istiqlal (que beaucoup ont présenté comme un allié naturel des islamistes) voire des membres du G8 que Benkirane n’excluait pas, samedi soir, de l’équation gouvernementale. Mais attention, une coalition PJD-Koutla n’est pas à exclure. Les quatre partis se sont déjà retrouvés derrière l’étendard de la défense de la démocratie et la bonne gouvernance.
Narjis Rerhaye
Lundi 28 Novembre 2011
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