Budget 2011 Les dessous de la privatisation de Maroc Telecom

Fini le suspense, le ministère des Finances a enfin décidé de lever le voile sur l'opération de cession d'une tranche maximale de 7% du capital de Maroc Telecom. Une bataille de rumeurs fait d'ailleurs rage depuis le lancement de l'appel d'offres le lundi 18 juillet dernier. Le peu de communication sur les intentions du gouvernement a favorisé la spéculation au détriment de la transparence, au point de susciter la curiosité légitime de deux partis politiques, l'un issu de la majorité (USFP) et l'autre de l'opposition (PJD). Ces derniers ont réclamé en fin de semaine dernière une réunion d'urgence de la commission des finances au Parlement et ont exigé la présence du ministre de tutelle, Salaheddine Mezouar. Non seulement on ignorait les modalités techniques de l'opération, des questions de fond devaient également être posées à l'argentier du gouvernement. D'abord, serait-ce pertinent de privatiser une entreprise ultra-performante (9,53 milliards de DH de bénéfices pour Maroc Telecom en 2010) ? Puis, comment sera affecté le produit de cette opération (environ 8,58 milliards de DH sur la base du cours en bourse à la clôture de la séance de mardi dernier) ? Servira-t-il à combler le déficit budgétaire attendu pour fin 2011 et qui devrait, toutes choses étant égales par ailleurs, dépasser de loin les prévisions de la loi de Finances en cours d'exécution ? La flambée des prix des matières premières, le surenchérissement de la facture de compensation, le coût du dernier round de dialogue social, la nouvelle masse salariale promise aux diplômés chômeurs, etc. Autant de facteurs qui, a priori, mettent en danger l'équilibre macro-économique du budget de l'Etat lequel a été consacré pour la première fois dans le nouveau texte constitutionnel de la nation. A l'ensemble de ces interrogations, le communiqué des Finances, diffusé mardi 2 août, apporte déjà quelques éléments de réponse. Ainsi, et contrairement aux rumeurs circulant sur le marché depuis quelques semaines, on apprend qu'il se peut que l'opération n'ait pas lieu en 2011 comme en 2010 lorsqu'il a été décidé de reporter la cession d'une tranche maximale de 8% du capital de Maroc Telecom.

L'appel d'offres du ministère des Finances est clair et précis. La banque d'affaires qui remportera l'appel d'offres aura une mission strictement exploratoire. Une sorte de conseiller le gouvernement sur les modalités et les conditions requises pour assurer la réussite de l'opération de cession. Elle sera chargée de la valorisation de l'entreprise sur la base des différentes méthodes d'évaluation financière, de l'analyse des différentes options en matière de placement et de la recommandation d'un schéma optimal de placement en Bourse. Le gouvernement veut maximiser le montant de la cession sans perturber l'évolution future du cours en Bourse. Il veut aussi garder un minimum de présence « marocaine » dans le capital de l'opérateur historique. « Ce placement est destiné exclusivement au profit des institutionnels et investisseurs marocains », précise le communiqué des Finances. Sachant qu'actuellement, et à l'issue de plusieurs opérations de cessions, la participation de l'Etat dans le capital de Maroc Telecom s'établit à 30%; le reste est détenu à raison de 53% par Vivendi Universal et 17% constitue le flottant du titre doublement coté à la Bourse de Casablanca et à l'Euronext-Paris. Quant au produit de la cession (au cas où elle sera réalisée), il sera affecté à concurrence de 50% au profit du Fonds Hassan II pour le développement économique et social et de 50% au profit du Fonds de promotion des investissements destinés à promouvoir l'investissement en partenariat avec le privé dans les secteurs stratégiques.

En définitive, tranche le ministère des Finances, l'opération de cession ne sera effectivement concrétisée que si les conditions de marché le permettent, et ce, à l'instar de la mission de conseil et de placement d'une tranche maximale de 8% du capital de Maroc Telecom lancée en 2010 qui n'avait pas été mise en œuvre. Il reste maintenant à savoir si la rallonge budgétaire de 15 milliards de DH, décrétée au mois de mars dernier, serait suffisante à même de colmater la brèche dans le budget de 2011 !

IAM, premier contributeur au budget de l'Etat
L'opérateur historique est le premier contributeur au budget de l'Etat. Le montant versé aux différentes caisses de l'Etat se chiffre en 2009 à 6,1 milliards de DH (source : rapport sur les entreprises et établissements publiques accompagnant la loi de Finances 2011), dont 2,57 milliards de DH sous forme de dividendes, 100 millions de DH au titre de la redevance domaniale, et 3,54 milliards de DH sous forme d'impôt sur les sociétés.


Par Wadie El Mouden
Publié le : 03.08.2011 | 17h39