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Réforme de la compensation : finalement pas avant 2014
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Réforme de la compensation : finalement pas avant 2014
Techniquement, la réforme de la compensation est quasiment bouclée, et le projet sera bientôt soumis au gouvernement. Après quoi, le sujet fera l’objet d’un large débat national, accompagné d’une «grande» campagne de communication pour en expliquer les tenants et les aboutissants, les enjeux. Le responsable d’un parti politique qui donne cette information estime que, moyennant ces étapes de communication, de concertation et de débat, le démarrage de la réforme ne devrait intervenir qu’après un certain consensus sur le fond de l’affaire. Cela peut aller jusqu’à la fin de l’année, voire début 2014, mais tout dépendra en réalité du rythme des discussions sur la formule définitive. Pour rappel, Mohamed Najib Boulif, ministre des affaires générales et de la gouvernance, en charge du dossier, avait dans ces colonnes mêmes, il y a deux mois, cru pouvoir indiquer que les premières actions de la réforme auraient lieu avant juin 2013.
En réalité, même si, techniquement, le projet est à peu près bouclé, le gouvernement n’a pas encore fait le choix entre les différents scénarios de la réforme. Par exemple : faut-il décompenser partiellement tous les produits aujourd’hui subventionnés ou se limiter à quelques-uns, voire à un seul ? Faut-il intégrer dans la population bénéficiaire de l’aide directe la classe moyenne basse ou la classe moyenne… moyenne ? «Il reste à poser le curseur au bon endroit, car tout le monde est conscient que des paliers de la classe moyenne seront à coup sûr impactés par la réforme de la compensation», confie un expert des questions de compensation. Mais ce n’est pas parce que la réforme connaîtra, forcément, quelques difficultés qu’il faudra y renoncer. «La seule façon d’éviter les problèmes, c’est de ne rien faire. Sauf que, en les évitant, ces problèmes ressurgiront ailleurs, c’est-à-dire dans les déficits et l’endettement qui en découlera», explique un économiste.
Mohamed Daidaa, membre du PSU (Parti socialiste unifié) et conseiller FDT à la deuxième Chambre, est de cet avis. Pour lui, «la réforme est indispensable, elle est même obligatoire. Mais tout le monde doit savoir qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs». Autrement dit, la réforme, nécessairement, débouchera sur une augmentation des prix, et la seule question qui vaut est de savoir pour qui. M. Daidaa rappelle à cet égard que précisément «parce que toute réforme a un prix, il est indispensable que l’ensemble des acteurs (partis politiques, syndicats, etc.) y soit associé».
Sur le plan technique, plusieurs scénarios sont envisagés. Parmi ceux-ci, il y a possiblement celui inspiré de l’expérience jordanienne (voir encadré). Il s’agit d’une formule qui aurait pour principale caractéristique de tirer vers le haut les catégories les plus pauvres. Cette formule consiste en la division des ménages en dix classes, depuis les plus pauvres jusqu’aux plus riches. Ensuite, on examine ce que perdrait la moyenne de la classe moyenne… avec la décompensation, partielle ou totale, des produits aujourd’hui subventionnés. Si, à titre d’exemple, le scénario de décompensation choisi débouche sur une perte de 500 DH ou 600 DH par mois pour la classe moyenne retenue, ce montant sera octroyé, au titre de l’aide directe, à toutes les autres classes en dessous, même si celles-ci perdaient en réalité moins ; sachant que les subventions, comme le montrent toutes les études, profitent davantage aux riches qu’aux pauvres.
Cette formule présente l’avantage, d’un côté, de faire bénéficier les pauvres du même niveau de subvention que celui qui profite à la classe moyenne, et, d’un autre côté, d’en exclure les plus aisés.
Toute la question reste néanmoins de savoir quel niveau de revenu retenir pour définir une classe moyenne. Une étude du Haut commissariat au plan (HCP), la première du genre, publiée en 2009, avait identifié comme classes moyennes (au pluriel) les ménages ayant un revenu mensuel situé entre 2 800 DH (borne inférieure) et 6 736 DH (borne supérieure) ; le revenu médian étant de 3 500 DH par mois et par ménage. L’étude du HCP s’appuyait sur les données de l’enquête sur le niveau de vie des ménages réalisée en 2007; une enquête approchée par les dépenses de consommation, en raison de l’absence de données sur les revenus. Malgré les explications du HCP, à la fois sur la méthode employée et sur les expériences internationales en la matière, des observateurs, on s’en souvient, avaient émis des réserves sur les résultats de l’enquête, considérant que les valeurs retenues étaient «trop faibles». Aujourd’hui, au ministère des affaires générales, on considère que «ces bornes doivent être revues pour tenir compte à la fois des changements intervenus depuis, et de la réalité dans ses différentes formes, sociales et spatiales».
Dans cette équation, cependant, il n’y a pas que les ménages, il y a aussi les entreprises. Qu’en sera-t-il de celles utilisant dans leur processus de production le sucre, le gasoil ou encore le fioul ? Cette question, selon diverses sources, sera traitée au moyen de contrats programme qui seront conclus avec l’ensemble des entreprises concernées. La décompensation «a réussi dans de nombreux pays à travers le monde, il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même au Maroc. Bien sûr, des difficultés ne manqueront pas d’apparaître en cours de chemin, mais il faut à chaque fois ajuster, rectifier».
L’atout dont bénéficie ce dossier, il faut le dire, c’est le consensus établi quant à la nécessité de la réforme. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1998, date de l’avènement de l’alternance, ont tous, chacun à sa manière, affiché leur volonté sinon de réformer en profondeur le système, du moins d’en corriger les dysfonctionnements, comme l’accès indu de certaines catégories de la populations à la subvention. Certains ont même initié des actions dans ce sens. C’est ainsi, par exemple, que le gouvernement Youssoufi avait exigé des agro-industriels utilisant le sucre subventionné d’en restituer les montants correspondants. Plus tard, la mesure avait été supprimée un moment, avant d’être rétablie partiellement. De même, le contingent de la farine nationale de blé tendre a été, depuis 2008, redéployé avec pour objectif d’en faire profiter prioritairement les populations rurales nécessiteuses, et son contingent légèrement diminué.
Aujourd’hui, plus que par le passé, le sujet s’invite dans toutes les rencontres, il occupe presque le devant de l’actualité, mais presque personne ne remet en cause le bien- fondé de la réforme. Les seules voix dissonantes sont celles qui réclament la mise en place d’une aide conditionnée (c’est le cas de l’Istiqlal, par exemple), ou encore celles qui portent sur la nécessité d’associer à la réforme l’ensemble des partis politiques et des syndicats. C’est que les déficits (internes et externes) qui s’accumulent pourraient devenir insoutenables s’ils devaient perdurer. Nizar Baraka, ministre de l’économie et des finances, a même osé une formule, rarement utilisée, publiquement du moins : la menace que font peser les déficits sur l’indépendance de la décision économique.
La Jordanie, qui avait d’énormes difficultés financières (cumul de déficits à la fois budgétaire et extérieur), notamment depuis le début du conflit syrien, a dû elle aussi réformer son système de compensation. «En 9 mois, le dossier a été bouclé», rapporte un responsable au ministère des affaires générales qui a effectué une visite, in situ, pour s’enquérir de l’expérience jordanienne. A la suite de cette réforme, qui a vu la suppression de la subvention des produits pétroliers, 70% de la population du Royaume hachémite bénéficie de l’aide directe, raconte notre interlocuteur. A cette précision près, et elle est de taille, que dans l’assiette de la population, déjà pas très nombreuse (6,5 millions de personnes), on avait à regret exclu les étrangers ; lesquels, pour mémoire, représentent quelque 30% de la population totale jordanienne. Mais, comme on dit, comparaison n’est pas (toujours) raison : le Maroc a des caractéristiques socio-économiques, démographiques et même géographiques que n’a pas la Jordanie. Toute réforme, quelle qu’elle soit, doit évidemment en tenir compte.
En réalité, même si, techniquement, le projet est à peu près bouclé, le gouvernement n’a pas encore fait le choix entre les différents scénarios de la réforme. Par exemple : faut-il décompenser partiellement tous les produits aujourd’hui subventionnés ou se limiter à quelques-uns, voire à un seul ? Faut-il intégrer dans la population bénéficiaire de l’aide directe la classe moyenne basse ou la classe moyenne… moyenne ? «Il reste à poser le curseur au bon endroit, car tout le monde est conscient que des paliers de la classe moyenne seront à coup sûr impactés par la réforme de la compensation», confie un expert des questions de compensation. Mais ce n’est pas parce que la réforme connaîtra, forcément, quelques difficultés qu’il faudra y renoncer. «La seule façon d’éviter les problèmes, c’est de ne rien faire. Sauf que, en les évitant, ces problèmes ressurgiront ailleurs, c’est-à-dire dans les déficits et l’endettement qui en découlera», explique un économiste.
Mohamed Daidaa, membre du PSU (Parti socialiste unifié) et conseiller FDT à la deuxième Chambre, est de cet avis. Pour lui, «la réforme est indispensable, elle est même obligatoire. Mais tout le monde doit savoir qu’on ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs». Autrement dit, la réforme, nécessairement, débouchera sur une augmentation des prix, et la seule question qui vaut est de savoir pour qui. M. Daidaa rappelle à cet égard que précisément «parce que toute réforme a un prix, il est indispensable que l’ensemble des acteurs (partis politiques, syndicats, etc.) y soit associé».
Tirer les catégories pauvres vers le haut
Sur le plan technique, plusieurs scénarios sont envisagés. Parmi ceux-ci, il y a possiblement celui inspiré de l’expérience jordanienne (voir encadré). Il s’agit d’une formule qui aurait pour principale caractéristique de tirer vers le haut les catégories les plus pauvres. Cette formule consiste en la division des ménages en dix classes, depuis les plus pauvres jusqu’aux plus riches. Ensuite, on examine ce que perdrait la moyenne de la classe moyenne… avec la décompensation, partielle ou totale, des produits aujourd’hui subventionnés. Si, à titre d’exemple, le scénario de décompensation choisi débouche sur une perte de 500 DH ou 600 DH par mois pour la classe moyenne retenue, ce montant sera octroyé, au titre de l’aide directe, à toutes les autres classes en dessous, même si celles-ci perdaient en réalité moins ; sachant que les subventions, comme le montrent toutes les études, profitent davantage aux riches qu’aux pauvres.
Cette formule présente l’avantage, d’un côté, de faire bénéficier les pauvres du même niveau de subvention que celui qui profite à la classe moyenne, et, d’un autre côté, d’en exclure les plus aisés.
Toute la question reste néanmoins de savoir quel niveau de revenu retenir pour définir une classe moyenne. Une étude du Haut commissariat au plan (HCP), la première du genre, publiée en 2009, avait identifié comme classes moyennes (au pluriel) les ménages ayant un revenu mensuel situé entre 2 800 DH (borne inférieure) et 6 736 DH (borne supérieure) ; le revenu médian étant de 3 500 DH par mois et par ménage. L’étude du HCP s’appuyait sur les données de l’enquête sur le niveau de vie des ménages réalisée en 2007; une enquête approchée par les dépenses de consommation, en raison de l’absence de données sur les revenus. Malgré les explications du HCP, à la fois sur la méthode employée et sur les expériences internationales en la matière, des observateurs, on s’en souvient, avaient émis des réserves sur les résultats de l’enquête, considérant que les valeurs retenues étaient «trop faibles». Aujourd’hui, au ministère des affaires générales, on considère que «ces bornes doivent être revues pour tenir compte à la fois des changements intervenus depuis, et de la réalité dans ses différentes formes, sociales et spatiales».
Dans cette équation, cependant, il n’y a pas que les ménages, il y a aussi les entreprises. Qu’en sera-t-il de celles utilisant dans leur processus de production le sucre, le gasoil ou encore le fioul ? Cette question, selon diverses sources, sera traitée au moyen de contrats programme qui seront conclus avec l’ensemble des entreprises concernées. La décompensation «a réussi dans de nombreux pays à travers le monde, il n’y a pas de raison qu’il n’en soit pas de même au Maroc. Bien sûr, des difficultés ne manqueront pas d’apparaître en cours de chemin, mais il faut à chaque fois ajuster, rectifier».
L’atout dont bénéficie ce dossier, il faut le dire, c’est le consensus établi quant à la nécessité de la réforme. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 1998, date de l’avènement de l’alternance, ont tous, chacun à sa manière, affiché leur volonté sinon de réformer en profondeur le système, du moins d’en corriger les dysfonctionnements, comme l’accès indu de certaines catégories de la populations à la subvention. Certains ont même initié des actions dans ce sens. C’est ainsi, par exemple, que le gouvernement Youssoufi avait exigé des agro-industriels utilisant le sucre subventionné d’en restituer les montants correspondants. Plus tard, la mesure avait été supprimée un moment, avant d’être rétablie partiellement. De même, le contingent de la farine nationale de blé tendre a été, depuis 2008, redéployé avec pour objectif d’en faire profiter prioritairement les populations rurales nécessiteuses, et son contingent légèrement diminué.
Aujourd’hui, plus que par le passé, le sujet s’invite dans toutes les rencontres, il occupe presque le devant de l’actualité, mais presque personne ne remet en cause le bien- fondé de la réforme. Les seules voix dissonantes sont celles qui réclament la mise en place d’une aide conditionnée (c’est le cas de l’Istiqlal, par exemple), ou encore celles qui portent sur la nécessité d’associer à la réforme l’ensemble des partis politiques et des syndicats. C’est que les déficits (internes et externes) qui s’accumulent pourraient devenir insoutenables s’ils devaient perdurer. Nizar Baraka, ministre de l’économie et des finances, a même osé une formule, rarement utilisée, publiquement du moins : la menace que font peser les déficits sur l’indépendance de la décision économique.
Jordanie : La réforme a été bouclée en 9 mois
La Jordanie, qui avait d’énormes difficultés financières (cumul de déficits à la fois budgétaire et extérieur), notamment depuis le début du conflit syrien, a dû elle aussi réformer son système de compensation. «En 9 mois, le dossier a été bouclé», rapporte un responsable au ministère des affaires générales qui a effectué une visite, in situ, pour s’enquérir de l’expérience jordanienne. A la suite de cette réforme, qui a vu la suppression de la subvention des produits pétroliers, 70% de la population du Royaume hachémite bénéficie de l’aide directe, raconte notre interlocuteur. A cette précision près, et elle est de taille, que dans l’assiette de la population, déjà pas très nombreuse (6,5 millions de personnes), on avait à regret exclu les étrangers ; lesquels, pour mémoire, représentent quelque 30% de la population totale jordanienne. Mais, comme on dit, comparaison n’est pas (toujours) raison : le Maroc a des caractéristiques socio-économiques, démographiques et même géographiques que n’a pas la Jordanie. Toute réforme, quelle qu’elle soit, doit évidemment en tenir compte.
Salah Agueniou.
2013-02-25
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